Ponton nord

  • Marie Verreaux

La scène se joue et rejoue en boucles répétitives et lancinantes

A l'infini de sa première apparition

Cela a toujours lieu la nuit

Les nuits de lune pleine

Ces nuits-là

Les couleurs du rêve se font jour

Explosion cosmique

Profondes

Irisées à leur surface

Sombres et noires à l'intérieur

Calme sur le ponton

Nulle onde ne trouble la surface de l'eau

Alice marche sur les planches vermoulues

Prenant garde à ce que son pied ne passe au travers

Dans un cri retentissant

Qui viendrait poignarder le silence

Maître à l'armure de pointes acerbes

Elle est nue

Le vent enveloppe son corps d'une froide parure de marbre et d'anthracite

Elle est statue de vase et de pénombre

Algues et coquillages la recouvrent toute entière

Sa chevelure faite d'écume et de petits poissons mordorés

Son ombre porteuse d'une lueur incandescente

Dont le passage laisse une longue marque brune sur les planches

Elle poursuit sa marche vers le ponton nord

De l'eau noire monte imperceptiblement entre les interstices des lames de bois

formant peu à peu des flaques sombres et profondes dans lesquelles la lune se reflète

en des effets moirés et crus

A l'ouest une bataille fait rage

Rouge paysage en écho dont le tumulte arrive jusqu'à elle

Ligne d'horizon tétanisée par les convulsions de sanglots d'enfant qui retentissent à l'extrême sud du ponton

Elle poursuit sa marche en courant vers le ponton nord

L'eau noire atteint maintenant ses genoux

Entravant sa course

L'air est humide, empreint de mélopées empoisonnées

Lointains souvenirs

Portés à bout portant

Flêches empoisonnées d'un passé contenu par les flots de l'amnésie contrôlée

Coups de couteau desquels le sang n'a pas coulé

Rendant la blessure d'autant plus dangereuse

Tétanique

Fielleuse

Insensée

Poursuivant sa route éperdue

Toute ruisselante

Ecorchée

Le souffle court

Elle arrive enfin au bord de la zone nord du lac vers le désert

Nul son ne pénètre le silence sidéral de l'immensité

Le temps y a déposé sa faux d'argent

Elle les aperçoit au loin

Les dunes sont là

Refuge salutaire de chacune de ses errances nocturnes

Imprénétrables

Vénérables aieüles d'un paysage éternel

Compagnes de ses nuits hagardes

De bête fauve abandonnée

Détentrices d'une vérité avortée

Elle s'endort

Trempée

Transie de froid

Si belle dans sa parure de glace

Tout dort

Et puis, le jour se lève

La sort de sa torpeur

La délivre de ses chaînes

A ses pieds, un livre de contes ouvert

Gît pour l'éternit

Elle rentre vers le ponton sud

Pour un autre jour avant la nuit

Boucle

 

Forme hybride, Sutton, octobre 2015

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