Ponton nord
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La scène se joue et rejoue en boucles répétitives et lancinantes
A l'infini de sa première apparition
Cela a toujours lieu la nuit
Les nuits de lune pleine
Ces nuits-là
Les couleurs du rêve se font jour
Explosion cosmique
Profondes
Irisées à leur surface
Sombres et noires à l'intérieur
Calme sur le ponton
Nulle onde ne trouble la surface de l'eau
Alice marche sur les planches vermoulues
Prenant garde à ce que son pied ne passe au travers
Dans un cri retentissant
Qui viendrait poignarder le silence
Maître à l'armure de pointes acerbes
Elle est nue
Le vent enveloppe son corps d'une froide parure de marbre et d'anthracite
Elle est statue de vase et de pénombre
Algues et coquillages la recouvrent toute entière
Sa chevelure faite d'écume et de petits poissons mordorés
Son ombre porteuse d'une lueur incandescente
Dont le passage laisse une longue marque brune sur les planches
Elle poursuit sa marche vers le ponton nord
De l'eau noire monte imperceptiblement entre les interstices des lames de bois
formant peu à peu des flaques sombres et profondes dans lesquelles la lune se reflète
en des effets moirés et crus
A l'ouest une bataille fait rage
Rouge paysage en écho dont le tumulte arrive jusqu'à elle
Ligne d'horizon tétanisée par les convulsions de sanglots d'enfant qui retentissent à l'extrême sud du ponton
Elle poursuit sa marche en courant vers le ponton nord
L'eau noire atteint maintenant ses genoux
Entravant sa course
L'air est humide, empreint de mélopées empoisonnées
Lointains souvenirs
Portés à bout portant
Flêches empoisonnées d'un passé contenu par les flots de l'amnésie contrôlée
Coups de couteau desquels le sang n'a pas coulé
Rendant la blessure d'autant plus dangereuse
Tétanique
Fielleuse
Insensée
Poursuivant sa route éperdue
Toute ruisselante
Ecorchée
Le souffle court
Elle arrive enfin au bord de la zone nord du lac vers le désert
Nul son ne pénètre le silence sidéral de l'immensité
Le temps y a déposé sa faux d'argent
Elle les aperçoit au loin
Les dunes sont là
Refuge salutaire de chacune de ses errances nocturnes
Imprénétrables
Vénérables aieüles d'un paysage éternel
Compagnes de ses nuits hagardes
De bête fauve abandonnée
Détentrices d'une vérité avortée
Elle s'endort
Trempée
Transie de froid
Si belle dans sa parure de glace
Tout dort
Et puis, le jour se lève
La sort de sa torpeur
La délivre de ses chaînes
A ses pieds, un livre de contes ouvert
Gît pour l'éternit
Elle rentre vers le ponton sud
Pour un autre jour avant la nuit
Boucle
Forme hybride, Sutton, octobre 2015